Malgré
l’heure matinale, le lever n’est pas trop pénible : le métier
rentre !Le rangement et la mise en route se font maintenant avec méthode et
assurance. D’abord il faut préparer les pieds (crème, Elastoplaste,
seconde peau pour les ampoules et autre petit bobos…) puis
s’habiller, ranger l’intérieur de la tente, la plier et préparer
le petit déjeuner…le tout à la frontale, car il fait nuit à 5h !
Vraiment sympa l’ambiance dans ces moments, car peu sont debout et sur
le pied de guerre.
En
quittant le campement, les Auxerrois dormaient encore, peut-être
avaient-ils décidé d’une bonne grasse matinée jusqu’à 6h30, le
temps de retrouver des forces pour la prochaine marche.
Il
y a encore beaucoup de monde, comme la veille au soir, au campement
(encore pas levés )et nous sommes dans les premiers à partir. Aussi,
nous avons réservé notre premier hôtel à l’arrivée d’Asco (et
oui la vie version Rambo c’est bien beau, mais la vie de château est
aussi plus reposant… nous ne sommes pas encore dans les commandos),
donc pas de recherche d’emplacement de tente pour ce soir…non ce qui
motive notre départ matinal c’est de moins souffrir de la chaleur et
aussi d’éviter de rencontrer trop de monde sur le trajet.
Et
puis il faut continuer sur notre lancée pour garder le rythme des
matins calmes…. Mais pour dire la vérité je me sens tout de même
pas encore complètement réveillé, contrairement à Philippe qui a un
tempérament plus matinal et martial.
Dix
minutes après le départ, nous approchons comme lors de notre repérage
de la veille de la passerelle de Spasimata. Le chemin devient très étroit
avant la passerelle et pour prévenir tout risque de chute
malencontreuse, une main courante a été aménagée. Mieux vaut faire
attention car la chute pourrait être vraiment rigolote et ne pardonnera
pas….
Au
moment de grimper sur un rocher ma gourde, que je porte à la ceinture,
s’échappe de son fourreau et dégringole dans le ravin en direction
du torrent. Ça commence
bien !
Finalement,
je réussis à la rechercher un peu en contrebas mais elle est toute
bosselée et ne sera plus étanche …
Arrivé
à la passerelle, Philippe se lance comme sur un vulgaire pont et je
m’engage sûr de moi après qu’il ait traversé. C’est presque une
routine après notre escapade de la veille mais cela garde toujours un côté
amusant jusqu’au moment où en plein milieu, je suis stoppé
brutalement : un cordon du sac de protection de mon matelas mousse
s’est accroché à l’un des câbles arrêtant nette ma course !
Je suis coincé !
L’impression
de routine se brise nette,
il faut que je recule sans me retourner pour méticuleusement décrocher
mon sac en plein milieu du pont qui frémit et ne demande qu’à se
balancer et le vide sous les pieds qui attend la gueule ouverte…, une
émotion soudaine apparaît qui rend
plus humble mais reste contrôlée, les sens s’aiguisent et
l’attention que l’on porte à chaque geste qui se doit d’être précis
fait se dégager comme un parfum d’aventure… et hop : opération
réussi j’arrive rapidement de l’autre côté et Indiana Jones peut
aller se rhabiller !…
Cela
fait deux incidents en 10 minutes, cette étape commence décidément
mal ! Va falloir surveiller ça !
Après
nos émotions et la passerelle passées, le GR regrimpe de façon assez
raide en direction des gorges et nous passons plusieurs séries de
dalles le long du torrent. La pente est forte et les dalles très larges ;
Philippe monte vite comme à son habitude, l’effort est difficile car
nous ne sommes pas encore chaud. Nous rattrapons un groupe en compagnie
duquel nous allons passer quelques obstacles. Mais attention, les dalles
sont parfois très pentues et glissantes sous la pluie ! Mais
aujourd’hui le temps est idéalement sec et l’on est surpris que le
pied adhère aussi bien… ce n’est
pas plus mal, car la descente en cas de chute et particulièrement
dangereuse. Par endroit, les dalles sont légèrement en pente vers le
lit du torrent plusieurs mètres plus bas. Un câble servant de
main-courante permet de passer sans difficulté.
Finalement,
bien que la montée eut été un peu rude ce matin, le parcours
jusqu’au col est assez plaisant ; une belle vue sur la vallée
encaissée s’ouvre à nous de toute part et derrière nous les
montagnes granitiques baignées dans la lumière matinale ont de
somptueuses couleurs . Cela donne du baume au cœur pour la suite et une
sensation de liberté nous envahie à mesure que nous avançons .
Comme
la veille nous arrivons au bord d’un cirque de montagne ou se
dessinent des crêtes et des aplombs. Les montagnes sont belles dans des
couleurs grises, vertes et
bleues.
Un
petit vent frais nous fait mettre les polaires et nous faisons un petit
stop récupération car la montée a été difficile. Deux ou trois
barres de céréales pour reprendre la route. En haut du col mal aisé
à trouver, le chemin fait mine de redescendre dans la vallée pour
reprendre sur l’autre versant vers un autre col à la sortie du
cirque. Un peu d’escalade facile, pimente le parcours entre les deux
passages.
Arrivée
au second col, il y a pas mal de monde qui attend pour profiter du
soleil. Nous retrouvons d’ailleurs comme chaque jour le « club
des 5 » qui s’apprête à repartir, ça devient une habitude !
C’est le moment de reprendre quelques barres de pain d’épices énergétiques
et abricots secs (régime monotone je sais mais on s'y fait !)
La
vue est plongeante sur la station d’ASCO où l’on distingue
nettement la route, les voitures et quelques maisons. C’est assez
abrupt et le topo guide nous prévient que la descente sera raide. Il y
a en effet quelques passages étroits où il faut se glisser au début
mais rien à voir avec le
pierrier de la veille, la descente est plutôt sympa et la progression
est régulière. Au milieu de la descente on croise des groupes moins
chargés qui doivent faire une promenade pour la journée, nous qui
pensions que le GR était pour les pros. Nous finissons par doubler le
club des 5 partis un peu avant, puis le GR nous conduit dans un petit
bois formé de très beaux arbres, des pins, qui donnent un peu de
couleur et de variété au paysage dénudé des sommets. Cette fin de
descente en sous bois ombragé est agréable face à un beau panorama.
Nous
débouchons enfin sur un chemin qui longe quelques bâtiments sur
pilotis vers la station et nous traversons la piste de ski vers l’hôtel-gîte
« Le chalet »
bien indiqué qui ne paye pas de mine, d’ailleurs d’allure plutôt
triste.
Personne
en bas, il faut s’adresser au bar où une dame d’un certain âge
n’est guère aimable. L’accueil n’est pas chaleureux mais la
chambre que j’avais réservé depuis Paris n’est pas mal, voire plutôt
bien (240FF par personne avec un repas et un petit déjeuner, c’est
pas « budget » mais correct après tout nous
somme en vacances !).
Après 2
nuits sous la tente avec en guise desommier la terre et les cailloux,
nous retrouvons avec plaisir un vrai lit de plumes et de ressort.
Pendant
qu’on se met à l’aise je vois passer le club des 5 par la fenêtre
ouverte. Ils coucheront sous la tente ce soir ( il faut dire
qu’ils sont presque tous scout ) ; Nous n’échangeons à peine
quelques regards, un peu gênés de nous montrer en plein confort. Nous
ne les connaissons pas et pourtant j’éprouve un
sentiment de malaise comme une impression diffuse de trahison
envers eux, peut être aussi vis à vis d'un certain esprit "rando".
Je
profite de cette halte à Asco pour récupérer un rasoir au refuge, la
gardienne très aimable et serviable (elle !) n’en vend pas mais
se débrouille pour m’en trouver un jetable et me le donne. Comme
quoi, les corses peuvent être extrêmement serviables quand on a besoin
d’eux. De retour à l’hôtel nous devons par contre négocier un
bout de savon auprès de la patronne…scandaleux! Bref il faut prendre
sur soit quelques fois.
J’ai
voulu téléphoner mais Asco est désespérément boudé par Itineris/Orange
et les autres d’ailleurs…
Nous
déjeunons au restaurant de l’hôtel , le menu du jour à 95FF nous va
tout à fait. C’est copieux et bon. Le jeune serveur d’origine
asiatique mais parlant avec un authentique accent corse est surprenant
et très efficace.
Après
le repas nous remontons vers le refuge où l’on peut trouver du
ravitaillement sommaire mais pas de pharmacie et plus
de cartouches de gaz ( vraiment il faut penser à prendre ces trucs là
car c’est pas l’industrie locale).
Nous
achetons un paquet de pâtes qui ne servira à rien (sauf à faire du
poids sur mes épaules), de la coppa et des saucissons.
Nous
décidons ensuite de marcher le long des pistes de ski où nous croisons
deux gars à la recherche de vasques pour se baigner un peu le sport
entre deux marches. Ils font parti d’une colonie de vacances France
Telecom qui fait le même parcours que nous, certains sont en tennis (ce
sont ceux rencontrés déjà la veille au pont de Spasimata)….il faut
avoir la foi !
Etant
en tongues et sandales il est hors de question pour nous de chercher ces
vasques au hasard dans la montagne, nous décidons donc de retourner à
l’Hôtel demander à la direction. "Il y a des vasques en
contrebas", nous explique la patronne: "il faut prendre la
route et la quitter après le deuxième virage en direction du
torrent". Il y a là effectivement plusieurs endroits pour se
baigner ou flâner sur un rocher. Ce que nous faisons sans modération,
nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls. Nous apprendrons le soir en
rentrant qu’il y avait d’autres vasques à la hauteur de l’hôtel
en allant en direction du torrent à altitude quasi constante et plus
proches.
En
fin d’après midi quand le soleil descend lui aussi de la montagne,
nous profitons un peu de la terrasse de l’hôtel. Le mont Cinto est en
face. J’avais un moment pensé en faire l’ascension mais d’un
commun accord avec Philippe nous avions préféré nous reposer les
pieds qui tous les jours sont soumis à rude épreuve et sans pansement !
Nous nous en sortons plutôt bien : de mon côté une minuscule
ampoule apparue à la fin de l’étape 2, peut être une chaussure mal
serrée…depuis, je les resserre une ou deux fois pendant chaque étape
pour bien maintenir le talon…sage précaution car je n’en aurais pas
d’autre ennui jusqu’à la fin. Philippe a été moins chanceux mais
ces chaussures étaient plus récentes et pas complètement faites.
Le
soir, une fois le soleil disparu, un froid subit nous pousse vers l'intérieur
de l’hôtel. Encore gorgé de soleil, nous dînons vers 19h30 en
compagnies de deux filles qui font le GR20 dans l’autre sens..
Nous
les questionnons frénétiquement sur le cirque de la solitude que nous
devons passer le lendemain et aussi sur le GR 20 Sud. L’une d’elles
nous assure que le cirque se passe sans difficulté et qu’il est
absolument magnifique. Vivement demain pour voir ça !
Avant
de se coucher nous allons au bar chercher un plateau petit déjeuner
avec du café en bouteille thermos, la leçon du départ aura porté ses
fruits et nous prenons les devants. Et c’est une très bonne idée de
l'hôtel pour ceux qui démarrent tôt (car eux non ! ).