Aujourd’hui grasse
matinée jusqu’à 5h 30 ! Notre nuit à l’hôtel nous dispense
aujourd'hui d'une bonne partie des préparatifs habituels. Pas de tente
à plier et nos sacs sont quasiment prêts. Nous nous payons même le
luxe d’une douche chaude avant de partir.
Quand nous ouvrons la fenêtre au réveil, la nuit est encore
noire et paisible mais comme chaque jour,
en un rien de temps au cours du petit déjeuner l’aube surgit
et nous presse de partir. Déjà les ombres de randonneurs silencieux
passent sous nos fenêtres et s'évanouissent dans la montagne…Vite :il
n’y aura pas d’hôtel à l’arrivée et mieux vaut profiter de la
fraîcheur du matin au soleil levant. .
J’ai pourtant eu
du mal à dormir, ayant trop mangé la veille au soir et ce cirque
mythique m’inquiète un peu: serait-il raide comme les gorges du
Verdon? Doit-on se jeter dans le vide et tenir à bout de bras une chaîne ?
Je n’ai pas le vertige d’ordinaire mais ce serait trop bête de
risquer un accident… car, je me souviens du récit de deux copains qui
avait passé le cirque dont l’un avait failli tout lâcher trop fatigué
ou trop stressé… et puis d’autres qui l’on passé sans visibilité
et ont été effrayés quand ils se sont rendu compte du chemin parcouru
lors d’une éclairci… Et pourtant d’autres témoignages sur
Internet qui le décrive comme tout juste un parcours de santé, voire
pour certains cela a été une déception tant ils s'attendaient à des
émotions plus fortes …
Toujours est-il que le
discours des filles de la veille n’a pas complètement réussi à me
rassurer ; elles ont vue une des chaînes cassée et pendre dans le
vide mais ont ajouté qu’elle n'était pas utile….Qui croire alors ?!
Verdict dans 2 heures.
La montée
matinale vers le col est facile et demande un effort régulier. Quelques
rochers sur la fin mais dans l’ensemble le terrain n’est pas
hostile. On longe la remontée mécanique et à mi-parcours la fraîcheur
nous impose d'enfiler les fourrures polaires et les coupes-vents.
Bientôt nous
approchons de l’entrée du cirque et nous voyons des gens redescendre
en sens inverse…Ont-ils été trop effrayés par un gigantesque
gouffre qui s’ouvrent peut-être en haut du col ?…Je cherche la réponse
déjà à distance dans la démarche de ces randonneurs., sont-ils en
train d'essayer de maîtriser une panique récente?
Plus près maintenant je
scrute silencieusement les visages et sans échange de paroles ces
visages paisibles me donnent leur réponse et déjà le calme m'envahit.
Le cirque apparaît
d’un seul coup, il est beau et vertigineux mais encore à l’ombre.
Nos impressions sont toutefois peut-être moins fortes que lors de la
vue du premier cirque de l’étape 2. Mais c’est quand même quelque
chose!
Je jète un coup d’œil sur le passage qui dégringole
abrupt vers la droite et ensuite serpente jusqu’au fond du cirque,
pour prendre un peu la mesure des difficultés tant décriées. Une file
d’attente de randonneurs à l’arrêt, certains pas vraiment rassurés,
s’agrippent à une chaîne qui courre le long du passage (un
peu plus d'une dizaine de personnes environ) ; sans doute parce que
certains ont des difficultés à passer quelque passage plus délicat.
En fait le GR descend en zigzag sur des dalles en pentes où les
chaussures adhèrent sans problème par temps sec ; de plus la chaîne,
solidement vissée sur une bonne partie de la descente, constitue une
main courante efficace dans tous les passages un peu délicats ou
simplement sert à rassurer. Le dispositif semble d'ailleurs avoir été
rénové récemment ce qui renforce notre sentiment de sécurité.
Paradoxalement, instantanément toute appréhension disparaît
et nous sommes très excités à l'idée de nous lancer dans ce passage
rapidement. Un peu comme au ski, l'aspect vertigineux de la pente se
fait oublier (quand on n'a pas le vertige bien sûr) au profit d'un
sentiment d'exaltation dans
l'attente d'une expérience ludique et sportive!
Aux jumelles je
scrute le versant opposé où quelques randonneurs entament une pente
raide, difficile de voir le tracé du GR; Ce sera la surprise!
Il est bien
dommage qu’il y ait tout ce monde qui bloque l'accès rapide à la
descente ( c'est un des défaut de faire le GR20 au mois d'août ), car
on aurait bien eu envie d’enchaîner le passage des obstacles comme
dans un parcours du combattant. Mais
bon, on ne fait pas toujours ce que l'on veut et il faut s'avoir
composer, donc nous prenons sagement notre place dans la queue et la
descente se fera à petits pas, en discutant avec les autres randonneurs
, c’est aussi ça la randonnée.
Il est vrai qu’il faut
avancer avec précaution, certains passages sont même un peu périlleux car
il faut attraper franchement la chaîne et descendre à la force des
bras, mais toujours sur des courtes distances - un ou deux pas à
faire tout au plus avant de trouver une autre difficulté-. C’est là
en général que certains restent coincés.
Mais très franchement
par temps sec si l'on n'a pas le vertige, cela passe sans problème et
l'exercice est d'ailleurs plutôt amusant dans un décor aussi
grandiose!
Ensuite les chaînes
s’arrêtent, le GR est encore très pentu et notre progression devient
lente en zigzagant dans un goulet pierreux. Il faut faire attention à
ne pas se faire entraîner par la pente. Ensuite, le GR bifurque sur la
gauche bien avant le fond du cirque, que l'on voit se muer au loin en un
canyon abrupt et infranchissable. Puis il remonte en face par une belle
pente qui aboutit rapidement à des rochers où une échelle d'environ 2
mètres de haut indique le début de la montée où les choses sérieuses
reprennent...
Il y a beaucoup
moins de monde sur ce parcours et pas de file d'attente. Philippe
l’intrépide est toujours en tête. Au sommet de l’échelle il faut
attraper une chaîne qui court à perte de vue le long de la pente qui
semble plus abrupte que la précédente.
Là non plus il n'y a
pas trop de difficulté et nous empoignons la chaîne pour monter régulièrement
à la force des bras, les pieds bien plaqués sur la paroi, en se
concentrant car le vide est derrière et la montée, sans réel danger,
demande un peu de précaution. La chaîne est fixée à la paroi tous
les 5 mètres environ et elle est bien tendue ( nous conseillons d'avoir
des gants pour les peaux sensibles), les chaussures adhèrent bien sur
le rocher donc tout se passe bien.
Il faut passer quelques
clous avant de se reposer, ce qui est possible régulièrement. En fait,
en n'utilisant que la chaîne on contourne la plupart des difficultés
et l’on grimpe vite.
Puis la chaîne s’arrête
et il y a un passage plus délicat sur des dalles en pente (gare au
vertige !), il faut faire une
traversée d’une dizaine de mètre en se tenant à des gratons
sur une paroi rocheuse et abrupte…c'est le moment de ne pas se poser
de question, le vide étant dans le dos, et de continuer. Enfin à un
moment la dalle devient plus lisse et les gratons manquent un peu pour
s'accrocher. Mais en faisant un grand pas
ça passe… ce n'est pas véritablement compliqué certes,
mais on se demande bien pourquoi il n’y a pas de chaîne ici
car ce n’est tout de même pas sans danger !
Nous arrivons en haut d’un petit col qui nous fait croire
que l’ascension est terminée, Erreur. Il faudra encore monter bien
plus haut parmi des rochers et franchir un pierrier, parfois en
cherchant les marques du GR. Même si la pente se resserre et la
direction devient de plus en plus évidente.
Cependant le paysage est
grandiose et dédommage des efforts faits pour y parvenir. Delà, on
voit le col du départ en face un peu sur la droite, qui a l’air bien
raide et les randonneurs ont la taille de fourmis. Sur la paroi de
gauche un piton rocheux gigantesque se dresse superbement au-dessus de
nous avec le cirque en toile de fond, forçant notre humilité de petit
homme face à la montagne…A photographier à satiété ! Dans la
même direction mais bien au-delà vers l'horizon,
la mer s'engouffre entre les montagnes et luit de tous ses feux,
c'est vraiment magnifique !
Nous arrivons
enfin au col, en sortie du cirque de la solitude. Le temps d’admirer
une dernière fois le paysage, nous entamons la descente plutôt facile
vers le refuge. Un pierrier d'abord, puis une succession de dalles,
Philippe part loin devant pendant que je prends quelques photos.
Le refuge que nous
atteignons en compagnie
d’un groupe d’étudiants centraliens apparaît bien délaissé, nous
ne faisons que passer à proximité notre destination étant les
bergeries de Ballone, 30 minutes plus bas.
Sur le chemin nous
croisons de nouveau le « club des 5 » qui s’étaient arrêtés
pour faire les lézards et profiter d’une vasque. L'idée est bonne et
je me laisse tenter par un bain. Philippe ne veut pas, discute un peu
avec eux puis décide de continuer pour réserver l’emplacement de la
tente. Très sage initiative car à mon arrivée, 20 minutes plus tard,
la plupart des bonnes places sont prises, car les bergeries sont très
prisées par tous les randonneurs en été et les places sont chères.
Philippe a choisi un endroit un peu à l’écart et tranquille, un peu
en hauteur par rapport à la bergerie, au milieu des rochers où non
loin coule un torrent ; On en oublierait presque les autres et la
chaleur…
La bergerie est en
fait une authentique auberge qui sert à dîner le soir et n’a plus
rien à voir avec une bergerie même pas un mouton dans les parages. Il
y a même un dortoir aménagé dans une tente militaire, des douches et
WC, etc… Le personnel est aimable et l’endroit est vraiment
sympathique. Et il y a même la possibilité de prendre des
consommations.
Après le déjeuner
nous nous approchons du torrent pour lire à l’ombre sur un rocher.
L'eau limpide, bien trop tentante m'appelle encore à prendre un autre
bain. Fraîche comme d’habitude mais supportable et m’épargnera la
queue à la douche (sans shampoing) . J'en profite également pour
rincer mon T shirt et mon short que je laisse sécher au soleil.
Bohême quoi!
Le soir nous
retrouvons beaucoup de têtes connues, en particulier la colonie de
vacances France télécom est toujours là comme à chaque étape. Nous
sommes un peu étonnés que la plupart des gens décident de bivouaquer
ici, alors que le refuge officiel est plus haut; En fait, cette bergerie
devenue une véritable auberge est,
paraît il, dans le guide lonely planet, alors pas étonnant dans
ces conditions d'avoir autant de monde.
Il
y a un vent frais ce soir là et nous renonçons vite à tenter
l’allumer du camping Gaz. Autant profiter de cette bonne auberge qui
nous tend les bras pour le dîner! Charcuterie Corse plus ragoût
spaghetti et fruit pour 95 FF. Le personnel est un peu dépassé par la
cohue et les évènements ( car il y a une coupure d’eau pendant un
bon moment donc pas de cuisine possible). N’attendant pas autant de
monde, ils restent toutefois toujours aimables et c'est dans une bonne
ambiance que nous terminons la soirée.